Je suis
un vieux tronc couché
Cisaillé par les âges
Pourrissant au creux de sa forêt
Mon sombre foyer
Les larmes du ciel
Noyaient les mousses
Les rares rayons de soleil
Perçant les cimes
Donnaient quelque sursis
Aux petits êtres qui s’abritaient
Sous mon corps vermoulu
Un abri
Une pharmacopée
Le vent soufflait et m’emportait petit à petit
Depuis de nombreuses lunes
Mais ce soir la tempête
Prenait des écorces entières
De mon corps ancien
Des fourmis et termites s’accrochant
À mes derniers copeaux
Voltigeaient
Les mousses se déchiraient
Hésitant entre terre, eau et air
L’humus dénudé se montrait
Sans pudeur ni retenue
Quelques lombrics s’enfonçaient
Plus profondément
Ne voulant pas être emportés
Désormais je m’envolais, désincarné
Je rejoignais enfin mes enfants
Je frôlais leurs feuilles bouleversées
Jusqu’à leurs cimes agitées
L’averse et le vent s’intensifiaient
Les derniers fragments de mon être
Étaient multitudes
Des étoiles en grains de poussière
Ce qui avait été un noble chêne
Ce qui avait été mon corps
Si fort et solide
Poursuivait son chemin
Vivant
À jamais